1 - Bienvenue à toi Meldhkwis et merci d’accorder cet aparté à Black Devotion. Je te laisse te présenter, nous décrire comment tu as contracté le virus musical et enfin révéler ce qui t’a incité à faire part de ce cercle très fermé qu’est l’underground ambiant.
La Musique en tant que telle m’est venue très tôt, comme nous allons le développer plus loin, je suis un pianiste professionnel et, comme tout le monde le sait nous commençons nos études très tôt. Apres pourquoi le piano ? J’ai beaucoup hésité entre l’orgue et le piano, j’aimais le côté grandiose de cet instrument, et surtout son rapport avec le divin. Le piano était bien plus pratique, et il faut admettre que son répertoire est bien plus intéressant. Même si ce dernier est moins "puissant", je pense très sincèrement qu’il permet d’aller plus loin.
Le dark ambiant est né très tôt, contrairement à ce que j’ai pu croire pendant de nombreuses années. Le décès d’un membre de ma famille m’a redonné accès à une multitudes d’objets oubliés, et parmi eux des K7 que j’avais enregistré entre 12 et 14 ans, à ce moment là les EVP étaient à la mode et moi aussi je faisais tout pour les percevoir, ainsi ces K7 étaient le fruit de mes premières recherches, à base de collage, accélérations, ralentis, rien de bien transcendant c’est certain mais il faut prendre en considération que nous étions en 91-93 et l’électroacoustique était pour les "classiqueux" un gros mot, le dark ambiant était à ses balbutiements et pour couronner le tout j’habitais loin de tout (et il n y avait pas le net).
La deuxième étape et aussi le point de départ de mes projets s’est fait dix ans plus tard, au grès de rencontres heureuses, la première fut lors du cycle supérieur d’Histoire de la Musique au CSM, une prof très ouverte m’a fait une initiation à l’électroacoustique, et la même année ce cher Meyhna'ch m’initia à tous les projets obscures dont nous avons tous entendu parler (à ce moment la il commençait tout juste à composer les premières Valses du Suicide, sans doute ses œuvres Dark Ambiant les plus obscures et annonciatrices d’un Diapsiquir). C’est donc tout naturellement qu’ayant été introduit "de l’intérieur" à ces univers si particuliers, je me suis aussi mis à les explorer, et à développer un langage bien personnel que l’on pourrait
peut-être voir comme étant la rencontre entre la densité d’un Xenakis, la trame fourmillante d’un Parmegianni, la vitesse et l’espace d’un Bayle, la complexité contrapuntique et ce qui pourrait s’approcher des harmonies déchirées d’un Scriabine et pour finir (à mon sens) fidèle à mes premiers amours, l’aura si malsaine des projets des Black Legions.
2 - Parles nous de ton rapport au piano, instrument que tu pratiques d’après les dires à un remarquable niveau. Enseignes-tu ? Pourquoi ne pas user d’avantage de ton instrument de prédilection dans tes compositions dark ambiantes ?
Oui, c’est sans aucune gène que je peux affirmer être un pianiste. Pas un "jeune élève d’un conservatoire" comme j’ai bien pu le lire avec sourire dans certains forums, mais un professionnel. Même si pour le moment je suis loin de la carrière d’un Kissin ou d’un Lang Lang, il est d’usage de considérer qu’à partir du moment où l’on a des premiers prix de concours internationaux en poches, des concertos joués avec orchestre et des concerts loin de la ville où l’on habite, le dit pianiste est plus proche du professionnel que de l’élève ou de l’amateur. J’enseigne aussi avec un certain succès, vu que mes élèves sont eux aussi lauréats de concours nationaux (la plupart du temps dans le trio de tête).
Pour le piano dans mes œuvres , il y a quelques années il en était hors de question : sous l’influence de 1951-N de Clyfford Still, je m’imaginais détruisant tout repères, abolir toutes sensations, aller dans le cœur de l’abstraction, au bout de quelques mois et d’un grand nombre d’essais tournant sur eux mêmes, je compris que là n’était pas la solution, un premier essai timide avait été fait pour les 90 ans de la mort de Scriabine, et ce n’est que 3 ans plus tard, en ajoutant une touche finale a ma face des Valses du Suicide, que j’utilisais mon instrument de prédilection.
3 - Entrons dans le vif du sujet : Peux-tu nous décrire en quelle occurrence, dans quels buts tu as fondé chacun de tes trois projets et nous dévoiler le concept que tu attribues à chacun ? Pourquoi avoir scindé tes créations en plusieurs entités ? Comptes-tu, dans l’avenir, concevoir de nouveaux projets ?
Les avenirs et même les genèses de ces derniers sont toujours emplis d’incertitudes. Ainsi les projets les plus connus se sont chevauchés les uns les autres, et il m’a fallu plusieurs années pour que je puisse comprendre une infime partie du "pourquoi" et ainsi de mieux appréhender le "comment". Si mes premiers pas n’ont pas eus de noms, petit à petit AEP commença à prendre forme. Les premières démos dans un style dark ambiant des plus classiques et digne de n’importe quel blackeux pensant naïvement que le fond et plus important que la forme ; et faisant foi des principes les plus élémentaires de la technique (au niveau qualitatif du son et non pas à propos des structures compositionnelles ! Ne pas se méprendre), bon il est vrai que seuls mes contacts les plus proches pouvaient les subir, avant qu’un label n’insiste pour les ressortir plusieurs années plus tard. Bon je ne m’éterniserais pas sur les nombreux détails de l’évolutions de mes divers projets pour ne pas rendre la lecture trop fastidieuse, mais pour résumer, que ce soit au niveau de l’évolution des différentes parutions ou des contacts tout s’est joué sur le facteur "chance", chaque projet a un destin qui lui est propre et indépendant de mon bon vouloir, ainsi quand je me rend compte qu’un concept n’arrive pas à terme, je l’annule. J’ai ainsi dans mes tiroirs des heures et des heures de matériaux sonores que je n’ai pas exploités et qui ne verront plus le jour.
AEP agit pour moi comme un facteur cathartique, les personnes étant intéressées par "qui" peut bien être Meldhkwis n’ont qu’à se plonger dans ce projet.
Dapnom au contraire est une entité bien plus "profonde". Je vous passerais le détail de mes concepts qui pour certains sembleront vaseux (pour les autres je recommande la lecture des "Carnets secrets" de A.N. Scriabine, tout y est parfaitement bien expliqué, et... bien mieux que je ne pourrais jamais le faire), le "but" de ce projet étant d’établir des ponts entre microcosme et macrocosme, humain et divin.
Etmenns Derokwis ? Un échec. Les critiques des diverses productions de ce dernier ont été unanimement excellentes, mais je ne suis jamais arrivé à faire ce que je voulais, donc un gout amer. Il est possible que ce projet évolue par la suite, mais... rien n’est sûr.
D’autres projets ? Je n’en sais rien, je suis déjà très occupé avec ces derniers.
4 - Si je ne m’abuse, tu es étudiant en électroacoustique. Pourrais-tu nous en dire plus quant aux notions abordées dans ce parcours ? Exploites-tu tes connaissances acquises en cours pour enrichir tes idées de compositions et d’artefacts musicaux ?
Etudiant et fraîchement diplômé même ! Les différentes notions dépendent réellement des compositeurs avec lesquels tu travailles. Vu que ce genre musical est très jeune (50 ans ce qui est un battement de cil si l’on compare avec l’évolution du chant grégorien qui s’est fait sur presque dix siècles) il n’y a pas d’impératifs pour ce qui est de l’ordre de la transmission. Mes premiers pas dans les classes de compositions se sont imposés à moi. A ce moment là je ressentais comme un mur, une impossibilité d’avancer, et je ne comprenais pas pourquoi.
Bien entendu, depuis que j’ai suivi ce cursus mon évolution a été fulgurante, il n’y a qu’à comparer les démos des Actes Préalables avec le split avec Kenji Siratori pour s’en faire une idée.
5 - Décris-nous comment naît un morceau : de quoi t’inspires-tu ? Quel matos utilises-tu pour générer, superposer et travailler tes samples? Par quel processus de composition portes-tu tes idées à maturation ?
Très difficile de répondre tant chaque concept derrière chaque composition est diffèrent.
Pour le matos on va faire très simple vu tout ce que j’entasse : 5 Prodipe Pro8, 1 Pro10S, NRV10, M410, Protool MP 7.4, Wavelab5, 1Shoeps "ORTF", 1MC-808, 1Novation A station (dès que je peux j’investi dans d’autres avec d’autres couleurs), et surtout presque 100 Go de samples divers, fieldrecordings, ou sons modifiés. Il y a d’autres accessoires mais ces derniers sont plus anecdotiques.
6 - J’aimerais profiter pleinement de ta musique et m’imprégner au mieux de ton univers singulier et parfois dur d’accès. Quelles sont selon toi les conditions d’écoute optimales pour aborder et comprendre tes œuvres ?
Normalement une œuvre réussie n'aurait besoin d'aucun artifice, de mode d'emploi ou de consigne à faire, dès les premiers instants le temps devrait s'arrêter et l'auditeur pris dans un monde qu'il ne maitrise pas. C'est bien entendu ce que j'essaye de faire pour ma musique, mais il faut avouer que le très fort taux d'abstraction de certaines réalisations les rend difficile d'accès.
Si bien entendu on pouvait réunir de bonnes conditions je pense qu'un son très fort, le noir total et l'absence d'activité seraient de très bonnes choses pour mieux "rentrer dedans", une écoute avec un bon casque permettrait aussi de sentir et de suivre tous les contrepoints et certaines subtiles évolutions qui peuvent ne pas s'entendre sur des enceintes.
7 - J’ai ouï dire que tu te soumets à certains états physiologiques (jeun) avant de composer. Peut-on nous en dire plus à ce sujet ainsi que sur la dimension spirituelle que tu adoptes en général lorsque tu crées ?
Mes pièces en général et Dapnom en particulier sont un medium permettant au microcosme d'être en symbiose avec le macrocosme, donc je ne peux les concevoir en me préparant tout comme je me prépare à mes 8 heures quotidiennes de travail sur mon piano. Ce jeun total force (liquide plus solide, autrement il faut attendre au moins une semaine avant de ressentir les premiers effets intéressants) comme vous pouvez le lire partout, ceci permet au cerveau, dans un état de privation anormal, de s'accélérer en relâchant des substances dont le nom m'échappe. L'effet est semblable dans une autre mesure à la prise de certaines substances illicites, et était utilisé par la plupart des pères de l'église lors de certaines de leur écritures et méditations.
Cet état me permet de me détacher de mon propre corps et d'avoir une écoute bien différente, un peu comme un œil d'aigle, je peux aussi être en communion directe avec mon moi intérieur et le laisser s'exprimer sans aucune entrave de ma conscience.
8 - Avec plusieurs dizaines de démos, splits et autres compilations, difficile de passer à côté de ton impressionnante discographie. Sans que ceci soit un mal bien sûr, en quoi préfères-tu la multiplication des releases à la concentration de ton temps et de tes efforts sur une production particulière ?
Dans le passé ma production était abondante. Je recherchais mon son et voyais chaque nouvelles réalisations comme un ensemble de barrières à surmonter, maintenant que j'ai pu développer un langage vraiment personnel et loin des standards à la Cold Meat, je suis sur la réalisation de mes premiers albums. J'ai aussi annulé un nombre considérable de splits et autres releases, je considère ainsi que toutes mes créations pré 2008 n’étant pas sorties comme à l’heure actuelle, non intéressantes par rapport à ce que j'ai pu réaliser cette année. En tout je pense que facilement 20 heures de musique sont passées à la trappe, pourtant ceux qui ont pu les entendre étaient très très enthousiastes, mais plus moi.
9 - Question de curiosité personnelle, quelle est C16H12FN2O3, cette étrange molécule intitulant un morceau de Dapnom ?
Cette molécule est l...... que l'on peut d'ailleurs lire en transparence sur l'artwork, elle est aussi connue comme la drogue de l'oubli ou des violeurs. Les conclusions sont donc faciles à faire. Son nom : Benzodiazepine Flunitrazepam
10 - Le triple (!) album à venir d’AEP, de part son aboutissement et sa conception en triptyque sera sûrement une pièce maîtresse de ta discographie, n’est-ce pas ? Je te laisse carte blanche pour présenter cet opus à nos lecteurs.
Anathema (sonate pour un homme seul) est mon premier album tous projets confondus. Contrairement a ce qu'on a pu lire sur certains sites, les autres CDs n’étaient que des rééditions en format CD. Il comporte donc trois CDs (ou mouvements si l’on se réfère au vocable musical) : Amentia, Acedia et Aceldama. La composition s’étend sur quatre années, de 2005 a 2008, et a été ma psychothérapie. Contrairement à mes premières esquisses, il n’y a aucun mot obscur, tout est compréhensible à celui qui sait écouter (même si sur certaines plages cela fait un peu trop franco-français). Je pense malheureusement que cette œuvre est bien trop proche de moi pour que je puisse la commenter, ni même en faire une quelconque éloge. Les meilleurs mots qui me viennent à l’esprit sont de Musset (tirés des Nuits de Mai) :
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L'Océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.
Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps ;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le cœur.
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant,
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.
11 - Voisine de la scène ambiante, que penses-tu de la communauté black métal ? Y a-t-il des groupes de cette trempe que tu apprécies ou dont tu sens proches ? Parles-nous entre autres de ta collaboration avec Hell Milita.
La scène ambiante n'est pas si voisine que ça de la scène BM, le Black ambiant oui par contre. De mon côté, j'ai été un des membres fondateur de ce que j'avais nomme le Black Noise, un terme qui est malheureusement devenu très vite générique et qui (avec la volonté très ferme que j'ai toujours eu de ne pas l'enfermer dans certaines formes qui peuvent limiter et étouffer tout acte) a pu rassembler des projets aussi différents que les miens, Emit voir Vomit Orchestra. Bien sûr les puristes à l’heure d'aujourd'hui verront ces lignes comme un sacrilège et préfèreront regrouper certains de ces projets sous des noms à rallonge avec autant de qualificatifs que je n'ai pu sortir de démos...
Le BM bien entendu j'en suis proche, vu les projets auxquels je participe, dire le contraire serait mentir, d'ailleurs le préfixe Black de BA vient tout droit de BM, pour montrer que nous partageons la même recherche du "beau".
A l’heure actuelle le projet BM qui m'impressionne le plus est Deathspell Omega, sans aucun chauvinisme de ma part je le vois même comme la réalisation la plus aboutie de cette "scène" sur tous les plans (mis a part l’artwork de "Fas..." que je ne comprends pas encore, il faut dire que j'ai toujours eu un peu de mal avec l'épuré...). Après il y en a d’autres que je ne développerais pas pour ne pas alourdir cette interview et que je cite en vrac : SVEST, Katharsis, Mutiilation, Aborym, Clandestine Blaze, Belketre, BlackLodge, AGTBSM de Xasthur, Vorkreist, Azumbam Haani, Black Funeral, TWWTG de Blut Aus Nord, Shining, Neo Inferno, Diapsiquir, Reverence, Darkspace, Darvulia, Ofermod, Malkhebre, The Axis of Perdition, Christicide...
Hell Militia bien sur ! Je ne l'ai pas mis dans la liste du dessus vu que je le développe ici. On ne peut pas dire que je soit un "fan" de la première heure vu que je n'ai jamais eu le fameux triple split vinyle, mais cela a commencé dès que Meyna'ch m'a donné, lors du premier gig de Malicious Secret, la K7 du "Second return of the pig" et ... comment rester de marbre devant une telle K7? Après tout s'est joué lors du premier concert de Dapnom à Poitier, Hell Militia était aussi présent et après ma représentation et quelques très intéressantes discutions (comme toujours avec les HM) nous nous sommes aperçu que nous avions les mêmes attentes et allions dans la même direction, c'est donc à ce moment là qu'ils m’ont proposé de travailler avec eux, au début en ouvrant et ensuite en étant tout le temps sur scène en faisant intro, midtros et outro pour ainsi intensifier l'expérience d'HM et ne pas laisser le temps de souffler a nos disciples.
12 - Tes samples glauques et oppressant sont parfois dignes de vrais films d’horreur ! Aucun réalisateur ne t’as jamais contacté pour utilisé tes titres comme bande son ?
Oui plusieurs fois on m'a contacté, mais tout prend un temps fou, et une bonne partie sont des films d'étudiants donc pour le moment...
13 - Tu es reconnu pour le soin et le travail que tu apportes au visuel de tes productions, je pense notamment au très bon booklet d’ « Actes Préalables » et au sang de porc coagulé sur le « Black Abstract Expressionism » : Comment les réalises-tu ? Quel rôle doit jouer, selon toi, le visuel d’une œuvre de Dapnom ou d’A.E.P. ?
Deux fonctions diamétralement opposées m’ont poussé vers ce "soin" tout particulier. Commençons par la plus superficielle, tout peut être trouvé en mp3 sur Soulseek (j’ai même été étonné de voir que le split avec Melek-Tha y était téléchargeable la semaine même de sa sortie, seul Potestatem semble résister), ajouter un artwork à une œuvre lui confère ainsi plus de personnalité. Je n’ai jamais rien eu contre le mp3, téléchargeant moi-même pour "découvrir" certains compositeurs contemporains ou pour (quand ma trop grande compactoteque n’en a pas) avoir plusieurs versions d’une pièce que moi ou un de mes élèves travaille. En ce moment je suis sur la création d’un nouveau site web, et j’envisage de laisser en libre téléchargement ces vieilles démos qui ne sont plus trouvables depuis des années.
Maintenant la raison profonde de ces artworks est une volonté de proposer dès le départ des "expériences" plus que des simples pistes de son. D'ailleurs je devais appeler à l'origine ces K7 "explositions" et non démos. Oui un petit néologisme de ma création et qui rassemble (pour que les lecteurs non francophones puissent facilement comprendre) les mots "exposition" et "explosion". Revenons sur l' « expérience » de ces artworks. Le concept est facile à retracer dans l'histoire de l'Art et est celui du fameux fantasme très « fin du XIXème » de l’ « Oeuvre d'Art Totale » et si chère à Scriabine. Ainsi à travers elle (et donc à travers mes K7s), tous les sens sont stimulés : l’ouïe avec la musique, le regard avec l’artwork et les différents pentacles/symboles utilisés, le toucher avec la rugosité du sang, l’odorat avec cette essence si particulière du sang de porc. Inutile de préciser que toutes les différentes composantes sont toutes créées en fonction des autres (même si malheureusement l’odeur a tendance à disparaitre au fil du temps, j’avais trouvé une façon d’accentuer plus ou moins l’odeur en fonction du projet, et le dos de l'artwork jouaient le rôle d'un medium méditatif au travers des courbures créées, il est a noter la forte influence des « drippings » de Pollock).
14 - Parlons de tes vidéos, chose rare mais remarquée dans le milieu ambiant. Décris-nous les moyens utilisés pour mener à bien leur tournage et ce que tu veux imager, faire passer à travers ces courts-métrages. De nouveaux projets vidéo pour un futur proche ?
Je pense très sincèrement que ma réponse décevra, mais je laisse la plupart du temps carte blanche aux vidéastes. Une raison bien simple : une multitude de vidéos clips existent, et en faire des nouveaux ne me procure aucune joie ni motivation particulière. Je préfère au contraire pouvoir "visualiser" et ainsi sentir toutes les "émotions" que peuvent procurer mes créations. Bien entendu cela ne marche pas avec tout le monde, mais j’ai l’intime conviction que de ne pas "brider" les artistes avec qui je collabore me permet d avoir quelque chose de bien plus profond.
Un DVD est en préparation depuis quelques années, tout comme le premier album de Dapnom, tout prend son temps et sortira en temps voulu.
15 - Tes expériences vécues avec les labels underground ne se comptent plus. Cites nous ceux que tu conseillerais pour leur sérieux, leur concept ; certains sont-ils, d’après toi, à éviter ? Que penses-tu de Cyclic Law, label phare de la scène ambiante ?
Je n'ai pas de liste noire au niveau des labels, chacun m'ayant apporté ce que je désirais à un moment voulu et il faut aussi dire qu'à mes début, distribuer des K7 ensanglantées était quasiment impossible. Les labels que je conseille le plus sont : Ajna, Asphyxiate Rec, IPR et Necrocosm, labels cités dans l'ordre alphabétique, même si je dois avouer une préférence très grande pour Ajna, label mythique et dont j'ai l'honneur de faire partie.
Quant à Cyclic Law, je n'ai aucun contact avec eux, non pas une volonté d'eux ou de moi, tout simplement le manque de temps. Dans mon souvenir leurs productions sont de qualité et plutôt orientées vers de l’ambient très long à se développer (comme le préconisais d'ailleurs Brian Eno), et malgré tout ce qu'on pourrait s'imaginer sur l'indépendance entre la scène underground et la musique dite savante, les choix de se labels sont quand même proches de l'Ecole Canadienne d'Electroacoustique qui sur certains abords peut trouver son influence dans les pièces les plus radicales de Luc Ferrari (hormis les Glockenspiele).
16 - Tu sembles sensible à la peinture, à la musique classique et autres arts majeurs. Collabores-tu avec des artistes autres que musiciens ? Lesquels savent te transcender, te fascinent le plus, t’inspirent ? Des œuvres, des écrits à nous conseiller ?
Bien entendu l'abus du dernier Scriabine a très haute dose m’est indispensable, ainsi que ses écrits, la méditations devant du Clyfford Still, l’accoutumance à Cioran ou Artaud, l’immersion jusqu'au dégout du dernier Stan Brakhage, à un autre niveau les matérialisations de Roszak, Dryer, Abers, Ihlenfield, Shiaomin ou Ziao peuvent aider .
Bien entendu j'admire une véritable légion d'autres créateurs, mais à mon humble avis ma précédente liste est celle qui est la plus à même d' "expliquer" ma musique, même s'il est vrai que le processus inconscient de l'inspiration artistique est quelque chose de profond et de difficile à cerner et que sans doutes d'autres créateurs ont une importance qui pour le moment est difficile pour moi de réaliser. Je pense quand même que cette liste est un bon point de départ.
Je collabore avec différents peintres comme Marc Dahan, Nicolas Claux, Lyziane Potevin ou Vision Schizochromatique, certaines sont en cours d'autres déjà faites ou sur le point de se faire.
17 - Quel regard portes-tu sur le monde ? Quelle philosophie te fait avancer au jour le jour ?
Tout comme le monde qui m'entoure je suis en perpétuelle évolution, à la recherche du son juste, de la forme parfaite, des mélanges les plus inouïs... mes oreilles sont grandes ouvertes à espace. Le Meldhkwis enfermé chez lui tel un ermite est pour le moment mort, mes nombreux voyages professionnels m'en empêchent, aujourd'hui mon univers m'accompagne et je ne ressens plus le besoin exclusif de mes quatre murs pour méditer ou créer. Même si j'ai toujours ma conception si particulière et dérangeante du "Beau" je ne suis plus aussi misanthrope que dans le passé. Pour mes concepts et philosophies plus profondes, je ne préfère pas les développer dans une interview car peu de personnes pourraient les interpréter avec justesse.
18 - Notre entretien s’achève, je te laisse conclure.
Un dernier mot ? Non... laissons les portes ouvertes...

www.myspace.com/meldhkwis
Interview par C.