La Division Mentale

Entretien avec La Division Mentale
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Après neuf années de silence total, La Division Mentale sort enfin son premier album chez Blood Fire Death Records, après une première demo sortie en 1998... Entretien avec Cypher, aux commandes du projet depuis toutes ces années et Mriik (aka Lord Naggaroth de Devilish Era, Wolok, mais aussi tenancier de Foedus Aeternus Zine)


1 – Salut à toi Cypher ! Même si ton groupe existe depuis presque huit années déjà, je vais quand même passer par la question chiante et inévitable posée par la plupart des zines : comment a débuté l’aventure La Division Mentale ? Dans quel contexte ? Quelles étaient tes attentes aussi bien musicales que philosophiques en créant cette étrange entité ??

Cypher : J’ai créé LdM en 1998 dans l’unique but de fusionner les deux univers musicaux dans lesquels je me complaisais. C’était surtout l’occasion de pratiquer et d’expérimenter de nouvelles techniques audio. Il n’y avait pas de contexte particulier. Donc forcément, sur le départ, tout ce que j’en attendais, c’était de voir ce que ça pouvait rendre. Et dans le fond, cette attitude n’a pas tellement changé.




2 – Le premier album, « L’eXtase Des Fous » vient récemment de sortir… Quelles réactions avez-vous perçu aussi bien des fanzines/webzines que du public ? Et plus personnellement, quel est ton propre avis sur cet opus qui a attendu de nombreuses années avant de naître ? Les textes, mais aussi la musique très insane, évoquent la misère mentale et l’aliénation en général… Souhaites-tu en parler plus longuement ? Et plus largement, quelles sont tes sources d’inspiration, aussi bien dans le domaine musical que littéraire et esthétique ?

Cypher : L’album nous satisfait. Vraiment. J’ai la sensation qu’on est allé au bout avec ce disque. Il est une finalité, un tout, il a une narration propre et il est plutôt bien accueilli. Attendons la suite, la promo est encore récente. La musique de LdM est une expérience sonore illustrant des textes, liés à l’expérience de la vie, au côté ressenti. Ils parlent de ces sentiments capables de nous transformer et que l’on découvre tous un jour ou l’autre. Ils sont ce qui nous forge, tout en nous poussant dans nos retranchements. Pour cela, j’évite de m’inspirer de quoique ce soit, je laisse couler un sentiment et le traduis musicalement.

Mriik : L’inspiration qui découle des sentiments et des expériences personnelles est souvent la plus riche. Si tu te sens influencé par des phénomènes extérieurs, ta musique et tes textes tendent à perdre en personnalité, je pense qu’être influencé par soi-même et par sa propre folie ne peut qu’être bénéfique en matière de créativité.




3 - Sur la démo « Syndrome », on sentait un air plutôt Death Metal mystique, allié à l’electro… Cette fois-ci, le résultat est tout autre, on a le droit à de longues plages bien plus ambient/indus, voire noise par moments… Comment s’est amorcée cette évolution pour le moins déroutante ? Quel regard portes-tu actuellement sur ta première démo ?


Cypher : Suite à la première démo, je me suis plongé plus profondément dans les musiques électroniques pour apprendre à utiliser la MAO. J’y ai acquis un nouveau vocabulaire qui m’a permis d’aller plus loin dans la démarche. Il y a de nombreuses années d’expérimentations qui séparent la démo de cet album. Donc pour ce que j’en ai vécu, la progression est plus naturelle que déroutante, l’eXtase en est la finalité logique. Pour répondre à ta question, Syndrome me convient toujours. Ces 3 titres ont établi les fondations.

Mriik : J’ai tendance à me répéter, mais par le biais de sa première démo Syndrome sortie en 1998, Cypher est un pilier du Metal avant-gardiste extrême en France. Personne ne pratiquait ce style si particulier pour l’époque. Si elle venait à être rééditée demain, elle serait toujours d’actualité et ne prendrait aucune ride.




4 – A sa création, La Division Mentale était un one man band. Aujourd’hui, le line up s’est agrandi à cinq musiciens venus d’horizons divers et variés… Pourquoi cette décision ? Je vois aussi que Lord Naggaroth, auteur des méfaits de Wolok et Devilish Era, a participé à l’album en tant que vocaliste… Devient-il un membre permanent ou simplement un guest ? N’y est-il pas pour beaucoup dans la nouvelle tournure musicale du groupe, trouvant personnellement que La Division Mentale se rapproche de Wolok…

Cypher : J’ai invité Yan et Botchan sur cet album parce que je savais que ça correspondrait à ce que j’avais envie de rendre avec l’eXtase. Le fait d’avoir des guests ne change pas le line up, mais enrichit le projet. Et je pense que je continuerai dans cette direction. Seul Mriik est permanent. Pour ce qui est de son influence sur la ‘nouvelle tournure’, les titres étaient déjà finalisés quand il est arrivé. Mais il est clair que son chant amène un côté nettement plus black à l’ensemble. Après si tu trouves qu’il y a un rapport avec le dernier WOLOK, c’est peut-être parce que j’y ai fait le mixage et que je me suis occupé de la programmation des drums. Le fait de partager l’un et l’autre nos univers fait qu’à un moment, ils peuvent coïncider. Mais stylistiquement, les deux projets restent radicalement différents.

Mriik : Tout à fait, ce sont deux entités totalement différentes. Pour ce qui est de LdM, comme le dit Cypher, les morceaux étaient déjà composés bien avant mon arrivée, je n’ai fait que m’adapter aux compos, en adoptant certes une ligne assez Black pour ce qui est du chant. Toute la partie musicale est le fruit de Cypher, c’est à lui que revient finalement le changement d’orientation de LdM.




5 – A ce propos, cet élargissement du line up ne te donne t-il pas envie de songer à des concerts ? Penses-tu, comme moi, qu’un groupe de Black Metal aux sonorités industrielles et noise puisse dégager quelque chose d’intéressant en concert ? Quel est ton avis sur la question des concerts Metal ?

Cypher : Pas pour l’instant. Préparer cela nécessiterait un temps de travail que nous n’avons pas. Et je me refuse à toutes approximations, donc… Après, pour restituer quelque chose de harsh sur scène, tu as intérêt de bénéficier de bonnes conditions techniques. Je n’apprécie pas la bouillie sonore. Donc oublie les plans galères dans des salles de merde, ou des cafés, ou je ne sais quoi d’autre. Trop de groupes sont prêts à dégrader leur musique juste pour donner un concert. Chacun fait ce qu’il veut, mais personnellement, ça ne me convient ni comme musicien, ni comme spectateur. Et je ne suis plus prêt de tolérer tout et n’importe quoi, juste pour soutenir la scène. Donc il y a un bon paquet de dates auxquelles je ne me déplace pas et ce n’est pas lié juste à la scène Black Metal.

Mriik : Nos emplois du temps ne nous permettent déjà pas de répéter, donc pour ce qui est des concerts, cela n’en vaut pas la peine. Cypher vit à Dijon, moi j’habite à Luxembourg, donc ce n’est pas vraiment pratique. Par contre, je me déplace très souvent pour les concerts, notamment en Allemagne, et ceci dans le cadre de mes activités écrites pour mon zine Foedus Aeternus.




6 – Personnellement, je m’attendais à ce que ce soit encore le label « Guerilla Underground » qui soit totalement sur l’affaire, aussi bien sur la signature, la promotion que le gros de la distribution… Pourquoi avoir choisi ce label ? Comment s’est déroulé le travail avec eux ?

Cypher : Je ne peux plus tout faire, je n’ai plus le temps. Et il y a des structures compétentes pour ça. Blood:Fire:Death en fait partie. Bien évidemment, je travaille aussi sur la promo avec Mriik, et Guérilla distribue l’album. Mais me concentrer sur l’artistique me suffit dorénavant. Mes diverses expériences m’ont fait comprendre que je ne suis pas fait pour bosser dans un réseau, mais seul enfermé entre 4 murs. Blood:Fire:Death a eu le deal parce qu’ils ont tenu à sortir l’album dans de bonnes conditions, que ce sont des gens sérieux et voilà. LdM n’a pas de contrat avec eux, je l’ai refusé, notre accord est verbal. C’est une histoire de respect et de confiance.

Mriik : Je tiens à préciser que le travail abattu par Blood:Fire:Death en terme de promotion est exemplaire, jusqu’ici, j’ai rarement eu affaire à des types aussi dévoués. Ils sont très professionnels et ont vraiment la volonté de soutenir leurs poulains. Nous ne remercierons jamais assez Marco pour son aide.




7 – En parlant de Guerilla Underground justement, quelles sont les principales activités de cette structure… et quel rôle y joues-tu ? As-tu d’autres activités en dehors de la Division Mentale et de Guerilla Underground ?


Cypher : C’est ma maison. Je m’occupe de tout. C’est un peu pour cela que ces activités fluctuent en fonction de mon emploi du temps. J’ai toujours géré ce truc seul. Si je te fais un listing de ce qu’a fait Guérilla, je te sors mon CV… Les principales activités de Guérilla correspondent tout simplement à mon actu. Donc tout et n’importe quoi. Et pour le reste, j’ai créé une extension électro expé à Guérilla avec Yan : le collectif aB.1oo qui réunit différents artistes (Syf , Kabutogani , Absent, etc ….). Et puis je participe aussi à l’aventure Absent, projet électronique lié à l’image de manière intrinsèque. Pour tourner court, je consacre 95% de mon temps libre à tout ce foutoir.




8 - J’aimerais discuter avec toi du phénomène myspace maintenant, La Division Mentale possédant le sien ; n’est-ce pas là un bon moyen de diffuser ta musique, la structure étant bien plus simple d’accès qu’un site lambda ? Mais aussi de te faire de la pub, des contacts parmi les groupes et labels ? Que réponds-tu à tous les détracteurs de myspace, jugeant ce site trop « trend », offrant sur un plateau d’argent de la musique et des infos au premier « newbie venu », et saturant la scène plus qu’elle l’est déjà comme je l’ai lu sur bien des forums ? Quoi qu’il en soit, avoue tout de même qu’il y a de jolies nanas hein ??


Cypher : Voilà exactement le genre de débat stérile auquel je ne participe pas. Oui effectivement, on utilise cette plateforme et l’image qui en découle n’entre pas en considération. Que ça émoustille les psychanalystes de la scène n’y changera rien. Chacun fait ce qu’il veut, ou pense ce qu’il veut. LdM ne suit aucune ligne de conduite, et on continuera à faire ce qui nous semble bien, et pour LdM, et pour l’eXtase des fous.

Mriik : Il n’est cependant pas faux que Myspace est à l’origine de la saturation de la scène Metal en général. Le premier connard venu enregistre 4 titres sur son laptop, et ça y est, un nouveau groupe est né. Si l’on fait abstraction de ces dérives, Myspace reste cela dit un bon outil de diffusion pour un groupe sérieux, quoi que l’on puisse en dire. Par contre, ce qui a tendance à m’irriter, c’est ce cyber-copinage inutile qui me dépasse. Alors ok, il faut faire tourner le nom du groupe, il faut propager sa musique, mais n’y a-t-il pas d’autres moyens que cette prostitution hypocrite ? Cela dit, je m’en fous complètement en fin de compte…




9 - Quel regard portes-tu sur la scène Black Metal en général ? Y a-t-il en particulier un genre que tu affectionnes ou un autre que tu détestes ? Penses-tu qu’il y a aussi une saturation de la scène avec cette multiplication de labels et groupes éphémères ?

Cypher : Tant qu’il en sort toujours de putains d’albums, mec ! C’est tout ce qui compte. Je ne cherche surtout pas à la cadrer, à la définir ou à la juger. Tout y est permis, même la merde. Qu’elle n’ait aucune limite me convient. Je l’apprécie dans sa pluralité, la déteste dans certaines de ses extrémités, bref, je m’y complais.

Mriik : Je ne serai pas aussi optimiste que Cypher sur ce point. Je gère mon fanzine depuis plus de 6 ans maintenant, et je peux te dire que j’en écoute des trucs. Evidemment, les groupes de merde sont légions, les labels supra UG sont largement fautifs, surtout dans le Black Metal. Je t’avoue aussi que j’écoute de moins en moins de Black Metal, surtout quand je repense à ce qui a déjà été fait dans les années 1990, alors que je découvrais ce style unique. Le Black Metal n’effraie plus désormais. En ce moment, je suis dans ma période Metal barré hyper technique, à la PSYOPUS par exemple, j’écoute aussi énormément de Death Metal, qu’il soit technique ou old-school. Ce sont mes véritables racines…




10 – Approchant de la fin de notre aparté, voici une question plus large mais pas moins simple… Qu’est-ce qui te fait vivre au jour au le jour ?

Cypher : Bordel, là, tu m’achèves… J’en sais rien et je m’en fous, j’avance.

Mriik : Pour ne pas penser sans cesse à la morosité de la vie, la musique est évidement la locomotive de mon existence.




11 – Quelles sont tes motivations (im)morales et artistiques ?

Cypher : J’aime multiplier les expériences, artistiques, morales et immorales.

Mriik : Eh Cypher, fais pas le mec mystérieux là ! Parle voir un peu de tes expériences immorales par exemple… Pour ma part, ma façon de composer est motivée par de nombreux facteurs : la rancœur, le sexe, le vide, la solitude, la perversité, l’anxiété, l’athéisme, la vengeance, l’orgasme… bref, tout ce qui irrigue mes méninges depuis toutes ces années.




12 – Quels sont les disques, livres et films dont tu ne peux te séparer ?

Cypher : Je peux me séparer de tout.

Mriik : Je ne peux pas me séparer de quoi que ce soit, j’adore accumuler. Je me débarrasse seulement des merdes que je reçois en promo. Si tu cherches des merdes, je peux t’envoyer une liste si tu veux, elle doit faire une bonne douzaine de pages. Tu me rendrais service… Mais maintenant que j’y pense, même les merdes, je ne m’en débarrasse pas.




13 – Comment pourrait s’imager ton univers intérieur ? Je te donne la parole libre !

Cypher : Et bien je pense en avoir suffisamment restitué avec l’eXtase des fous. Je garde le reste pour le prochain album.




14 – Voilà, l’interview se termine, je te laisse le mot de la fin !

Cypher : Merci pour le soutien et excellente continuation à Black Devotion.

Mriik : Nous apprécions ton soutien, tes questions étaient vraiment intéressantes, je tâcherai de consulter tes pages beaucoup plus régulièrement. Un grand merci pour tout.


Interview par Stryg