Voodoo Kungfu - Voodoo Kungfu

Voodoo Kungfu - Voodoo Kungfu - 5.5/6 - par Stryg
Voodoo Kungfu - Voodoo Kungfu
Groupe : Voodoo Kungfu
Album : Voodoo Kungfu
Genre : Extreme folk metal
Année : 2008
Label : Chinese Records Timeline
Pays : Chine
Durée : 49:55
Remarques :
Note : 5.5/6
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Quand on découvre une nouvelle scène, on ne sait jamais trop sur quoi on va tomber. Et cela surtout quand il s'agit d'une scène qui se situe à l'autre bout de la planète, dans un pays à la culture et aux conceptions radicalement différentes des nôtres, une jeune scène qui ne commence qu'à former son visage depuis une petite dizaine d'années. Après, bien sûr, si on compare deux groupes de rétro-thrash, l'un allemand, l'autre japonais, on risque moyennement d'avoir une grosse surprise. Mais en fouillant du côté des groupes asiatiques, tomber sur ce méfait au patronyme digne de série Z, dont les descriptions ça et là vantent l'étiquette « chinese mongol folk extreme metal with sludge and noise elements », ça pousse franchement à voir de quoi il en retourne.

Ce premier album des Voodoo Kungfu a comme principale caractéristique d'être quasiment au titre près une version studio de l'enregistrement précédent du groupe, un concert live filmé, sorti en format DVD deux années auparavant ; Il s'agissait surtout de l'un de leurs premiers concerts qui précédaient aux répétitions du nouveau-né, à l'époque où le groupe constituait son identité musicale et thématique. Alors pour un premier album, qu'en est-il ? Simple coup d'essai ou résultat d'une authentique gestation d'influences, d'idées et de vécus ?

La réponse définitive, et cela est tellement rare pour le souligner, se situe à l'écoute du premier titre, « This Shore », long d'une dizaine de minutes. L'ambiance s'impose directement, en quelques secondes à peine : violons mongols, instruments à cordes, chants et rythmes tribaux primitifs qui s'organisent autour d'un fil conducteur, une ambiance ésotérique et mystique enfumée, un peu comme si vous vous trouviez dans une caravane d'Asie centrale qui parcourt le désert du Taklamakan. Incapable de savoir ce que vous faites là, passif, vous ne faites que regarder un spectacle terrible mais hypnotique, un rite funéraire ancestral dans lequel vous ne captez que des fumées enivrantes et des visions fantomatiques. Mais c'est quoi ce truc ? Non, ce n'est pas du gros metal avec des accents folkloriques parsemés comme pourrait le faire Nokturnal Mortum. Non, ce n'est pas non plus l'inverse, du folk pur et dur qui agrémenterait sa musique d'aspects metal, comme le fait Nucleus Torn, qui avec ou sans metal, reste du Nucleus Torn. Non, chacune des facettes du groupe est indispensable l'une envers l'autre, là où les parties metal hurlées, voire carrément sludge répondent aux parties lentes et folk. C'est tellement bien foutu qu'on croirait presque à un dialogue mystique à plusieurs voix entre ces différentes influences, où le leader Li Nan fait parler le metalleux qui est en lui (un amoureux de death, de doom mais aussi de sludge et d'ambiances parfois urbaines), mais aussi le mongol, le religieux, l'ermite... Li Nan a réussi à parfaitement maîtriser chacune de ses facettes pour composer une musique unique, homogène et extrêmement riche. Li Nan chante, hurle, scande, prie, implore les dieux. Ce titre d'introduction est en soi l'introduction à toute la mythologie musicale du groupe.

Le reste de l'album confirme l'idée d'un groupe à la réelle identité, qui cultive un véritable intérêt pour le côté sombre et mystique de leur culture. Non content de reprendre la richesse que révélait le premier titre, ils étendent le champ d'ouverture vers d'autres contrées, vers d'autres rites ; Alors que le titre introductif était posé et permettait une entrée en la matière ma foi plutôt soft, les phases de violence se succèdent dans les titres suivants en faisant quelque chose d'assez fou : Gros son metal, style sludge qui lorgne rapidement sur le punk sur des rythmiques et un feeling qui rappelle rapidement les délires ethniques folk entendus précédemment. L'excellent « Untitled », la cinquième piste, permet de se rendre compte à quel point l'album est incroyablement mature pour une première contribution : passages purement atmosphériques et calmes, avec une bonne dose émotionnelle et nostalgique, des passages ethno-délirants mongols et le headbang couplé à la haine viscérale du sludge. Ça part dans tous les sens, sans que ça soit foutraque et désorganisé, on prend instantanément son pied et ça fait plaisir. Énorme expérience.

Nombre d'entre vous l'auront remarqué, il y a deux reprises. « Sweet Dreams » d'Eurythmics et... « Get Up, Stand Up » de Bob Marley (!!!). Étrangement, elles ne dénotent pas vraiment du reste tant Voodoo Kungfu souhaite rester faire du Voodoo Kungfu, et tant mieux ! Car reprendre Bob Marley en version hardcore/sludge sans se vautrer, faut le faire. La palme revient à « Sweet Dreams » qui reprend le style imposé par la reprise de Marilyn Manson en l'agrémentant de touches folk, comme toujours, en remplaçant les guitares claires par du violon chinois. Le résultat est clair : Voodoo Kungfu enterre Manson sur son propre terrain. Fort, très fort...

La production est un facteur clé dans la très franche réussite de cet album, qui sait concilier plusieurs aspects de leur musique ; Suffisamment tranchante et agressive pour les parties metal sans être brouillonne le moins du monde, absolument chaque instrument (et je dis bien tous) se fait entendre. Mais aussi suffisamment profonde et organique pour que les aspects plus folkloriques et atmosphériques puissent tenir tête à un tel fatras de violence primaire, comme sur « Only The Gods Can Judge Me ». Qu'il s'agisse des violons, des guitares, des percussions, des samples ou même du chant presque omniprésent, tout est judicieusement mis en valeur, un très bon signe quand on voit la difficulté pour le groupe d'avoir accès à des conditions d'enregistrement optimales et d'être signé, encore aujourd'hui. Seule ombre au tableau, les parties sludge peut-être un poil trop propres, mais c'est pour coller à l'aspect général de cette Œuvre géniale.

Il faut le dire, le pari que tenait Voodoo Kungfu était très très risqué ; Comment réussir à marier autant d'influences et de styles, a priori aussi contradictoires dans la forme et sur le fond ? Comment faire quelque chose d'homogène ? Le groupe a su travailler d'arrache-pied durant plusieurs années afin de parfaire ces quelques chansons, au style inimitable. Pourtant, le groupe continue à s'autoproduire encore aujourd'hui, malgré deux albums, deux lives et un passage remarqué à l'édition 2008 du Wacken. À quand une signature sur un label digne de ce nom ?

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