Disembowelment - Disembowelment

Disembowelment - Disembowelment - 6/6 - par Stryg
Disembowelment - Disembowelment
Groupe : Disembowelment
Album : Disembowelment
Genre : Doom/Death Ultime
Année : 2005
Label : Relapse Records
Pays : Australie
Durée : 115:00
Remarques : Le premier disque est l'album "Transcendence Into The Peripheral", le second est une compilation du EP "Dusk" et de la demo "Mourning September".
Note : 6/6
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Tracklist :

Disque 1
1 - The Tree Of Life And Death
2 - Your Prophetic Throne Of Ivory
3 - Excoriate
4 - Nightside Of Eden
5 - A Burial At Ornans
6 - The Spirits Of Tall Hills
7 - Celulean Transience Of All My Imaginad Shores
Disque 2
1 - The Tree Of Life And Death
2 - A Burial At Ornans
3 - Celulean Transience Of All My Imagined Shores
4 - Extracted Nails
5 - Intro - Mourning September
6 - Impoverished Filth
7 - Extracted Nails
8 - Thou Messiah
9 - Outro



A la fin des années 1980, et au début de la décennie suivante, une grande majorité de groupes metal de la planète entière défiait les lois de la création musicale en allant toujours plus vite, en tapant plus fort et en donnant dans le rentre-dedans tant bien sonore que thématique. Nous pourrons citer à l'envie des groupes comme Morbid Angel, Mortician, Sarcofago, Sadistik Exekution ou même Mayhem. Parrallèlement, des groupes isolés ont jouer cavalier seul, et proposer l'inverse pour justement partager le même genre d'atmosphères, quelque chose de violent, âpre, malade, noir et aussi sombre qu'une nuit sans étoiles. Cianide avait déjà commencé à ralentir la cadence sur son death metal old school, mais n'avait pas encore parcouru le chemin pour atteindre l'ultime point de convergence... A l'époque, ce fameux point où rien n'existe, sauf les abysses du Néant, seuls deux groupes ont réussi à l'atteindre, héros provenant de deux déserts antagonistes : Thergothon des froides contrées de Finlande. Et Disembowelment, des vastes plaines lunaires australiennes.

Si Candlemass, avec son "Forest Of Equilibrium", avait déjà entamé une vague promenade dans les eaux très troubles du doom/death avec ses riffs lents, sa production basse et des vocaux caverneux, Disembowelment y plonge à pieds joints, et nous offre un captivant témoignage empreint de folie psychotique sous la forme d'un double cd, regroupant leur unique méfait longue durée, "Transcendence Into The Peripheral", le mini-album "Dusk" et la demo "Mourning September". Le groupe n'ayant sorti qu'un album, à la discographie parsemée de deux demos et d'un mini-album, il aura fallu attendre douze années avant une réédition des oeuvres tourmentées des australiens, sortie sans cesse repoussée par Relapse Records, au point d'en devenir une légende urbaine. Mais glissons, place à la musique.

La première fois que j'ai écouté "Transcendence Into The Peripheral", j'ai eu peur. Des disques dit sombres, noirs, dépressifs évoquent parfois un vague malaise, parfois un réel plaisir face au seul aspect musical, trop souvent un rictus moqueur malheureusement... Mais rares, très rares sont les albums dans la veine de celui de Disembowelment. Ils vous prennent par les pieds dans votre sommeil, vous traînent de force dans un obscur couloir creusé à même la roche la plus noire et humide, et vous font découvrir un monde lovecraftien, constitué de constructions inhumaines bâties par des créatures nées bien avant l'apparition de l'Homme... Vous êtes perdu pour de bon, rien n'est réel et plus rien n'a de sens. Vous voyez l'Innommable, le Crée et l'Incrée. Comment décrire l'Innommable ? Comment décrire Celui Dont Le Nom Ne Doit Pas Être Dit ?

Peut-être en commençant par parler de cette longue descente aux enfers ? Longue, mais d'une rapidité à faire vomir d'étourdissement n'importe quel être humain, par une avalanche inhumaine de blast beat sans contrôle, incorporés à des passages brutal death metal, sur fond de riffs du même acabit. Mais cette descente en profite pour vous montrer encore un visage de douleur et de claustrophobie, lequel se dévoile sous des rythmiques empruntées au plus pur héritage grind. Les cordes enchaîneront des accords rapides et crus au possible, avant de laisser une unique corde crasseuse pendre dans le vide, tandis que le blast continue sa lancée. Il faut savoir que pour l'époque, une telle façon de faire était encore à l'avant-garde, et renforçait ce sentiment de perte déjà tellement présent au cours de l'écoute... Ces rythmiques sont d'ailleurs diversifiées au possible, allant du blast au tempo le plus lent possible, quasiment funeral, en passant par le mid. Impossible de vous habituer à une tristesse totale ou une violence sans barrières, les courants tellement différents du fleuve ne vous laisseront aucun répit. Car oui, Disembowelment ne fait ni complètement du doom, ni complètement du death, il sait alterner entre chaque partie cachée de Son Visage. Mais quand "The Tree Of Life And Death" ralentit la cadence, le paysage funéraire se dessine peu à peu, et enfin, ce doom si caractéristique vous arrache la gorge... Un doom si extrême et vicieux qu'il ferait passer My Shameful pour la Compagnie Créole. Des cordes crasses et dissonantes, une batterie aléatoire, une voix rongée par la perdition et un sentiment occulte si présent que vous n'êtes plus présent, là, à lire cette chronique.

Mais si cette incantation porte ses fruits, et rend le voyage mystique possible, au point de pouvoir espérer soulever l'une des dalles vertes de la Cité de R'lyeh, c'est par une originalité dans la construction musicale et certaines influences extérieures. Cette originalité ne rend pas la musique de Disembowelment meilleure, non, elle la rend tout simplement terrifiante ; Ce son, tout d'abord... qui semble avoir été capturé au plus profond d'une caverne cachée à des centaines de mètres sous la surface des océans. Cette réverbération ingénieuse prend les tripes, et nous indique que les cris de la Créature, de Celui Dont Le Nom Ne Doit Pas Être Dit, proviennent de partout, qu'ils nous atteignent, et que même en se crevant les tympans, nous n'y échapperons pas. Sans parler des éléments dont j'ai déjà parlé auparavant, ce death grindesque s'alternant si horriblement avec les parties doom extrême. Des leads discrets de guitare envahissent subtilement les blast, ainsi que les parties en mid-tempo afin d'y laisser une empreinte indélébile, le reste finit par mourir, mais ces leads restent, restent, même si on se crève les tympans... Mais le pire, ce sont ces guitares claires rongées par la réverb' et les effets, ces cloches tibétaines, ces vocaux scandés, râlés, à la limite de l'incantation céleste, tous ces éléments qui maltraitent la bande par capillarités. Sur "Your Prophetic Throne Of Ivory", ils finissent par devenir plus importants que tout le reste, donnant une réelle identité au morceau, quelque chose de vrai, de profond, mais aussi d'iréel et d'incrée... L'album se termine...

...Mais nous sommes toujours sous R'lyeh ! Le deuxième disque se présente sous nos yeux ! Nous ne voulons plus entendre ces cris qui défient toutes les lois cosmiques ! Nous ne voulons plus ! Ce n'est plus vouloir se crever les tympans, ou se charcuter le cerveau pour stopper les cauchemars, mais se donner la mort. La libération ! Mais le contrôle n'existe plus, les Anciens s'emparent à jamais de notre libre arbitre et le deuxième disque s'engouffre lentement dans la platine... "Dusk"... Il n'y a rien à dire... Tout a déjà été dit avant, lorsque nous abordions "Transcendence Into The Peripheral" ! Cette demi-heure passe donc péniblement, mais elle passe, elle se bouffe elle-même, et lorsqu'elle s'achève, notre esprit réclame encore ces appels, ces incantations... Nous sommes rongés, possédés... LÄ LÄ CTHULHU FHTAGN !! LÄ LÄ CHTULHU FHTAGN !! "Mourning September" arrive ! Toujours ce fuzz infecte, ce son caverneux, sub-océanique ! Ces vocaux qui vomissent dans ma tête ! C'est encore plus vieux, plus décrépit ! Ca date de 1990, ça sent la poussière, l'écume, le bois mort et la nuit !! Ah ! Ca arrive vers moi, Il arrive vers moi !!!

"Johansen estime que deux de ses six hommes qui ne regagnèrent pas le bateau moururent de peur à cet instant maudit. Nul ne saurait décrire le monstre ; Aucun langage ne saurait peindre cette vision de folie, ce chaos de cris inarticulés, cette hideuse contradiction de toutes les lois de la matière et de l'ordre cosmique" H.P Lovecraft, L'Appel de Cthulhu, 1926.

Le meilleur album de metal extrême ?
Peut-être.
L'album le plus noir et le plus abyssal de tous les temps ?
C'est une certitude.

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