Groupe : Paysage d'Hiver
Album : Steineiche
Genre : Atmospheric/Ambiant Black Metal
Année : 1998
Label : Kunsthall Productions
Pays : Suisse
Durée : 72 minutes
Tracklist :
1 - Die Baumfrau
2 - Der Baummann
3 - Der Baum
4 - Déjà Vu
Tobias Möckl, artiste discret se cachant derrière le pseudonyme de Wintherr, est entre autre fondateur du one-man-band au nom singulier et poétique de Paysage D'hiver. Le talentueux suisse opère dans un black métal atmosphérique puissant avec quelques passages plus ambiant. Les compositions sont toujours très longues et travaillées pour des opus dépassant l'heure de musique. Et c'est en effet le cas pour Steineiche, première démo reflétant déjà le talent de Wintherr, excellant dans un black atmosphérique sale et violent, de faible qualité sonore, avec un clavier misanthrope lui donnant une dimension puissante, spécial et très accrocheuse. Quant à l'artwork de la cassette, il est sobre et noble à la fois.
"Die Baumfrau", où "l'arbre femme", débute par quelques notes acoustiques, doublée d'un clavier cristallin et de vents glaçants et paisibles . Les quelques bribes de voix de Wintherr ajoutent à l'ambiance nostalgique, angoissée et morose, aveuglant déjà l'auditeur de brume enneigée, inquiétante et tourmentée. Les notes se font alors plus effrayantes mais toujours sombres et détachées, puis, au bout de deux minutes 40, après avoir installé le climat propre à PdH, le black métal atmosphérique du one-man-band fait son entrée, majestueux et épique. La boîte à rythme est mise en retrait et bat à toute allure, les riffs, très sales et grésillant, sont dominants et porte une voix ample et horrible. Au tiers du morceau, La guitare développe une lente suite de notes, insistantes et impulsives, donnant un coté plus dramatique au riffs épais et tortueux et à un clavier on ne peut plus épique et magistral. Tandis que l'auditeur se retrouve prisonnier de cette atmosphère si froide et envoûtante, de nouvelles arpèges mystérieuses et fascinantes prennent en main le morceau, qui reste néanmoins brutal avec ses riffs nerveux et pressants. Au dernières minutes, l'ambiance se fait plus rassurantes et enchanteresse, puis laisse place à la misanthropie des distorsions agressives de PdH, pouvant être comparées à celle de Blut Aus Nord. Ce merveilleux titre se conclut sur des riffs lourds et solennels, les vocaux de Wintherr tirant vers des sonorités beaucoup plus graves et pesantes.
"Der Baummann" ("l'arbre homme") est un titre jouant beaucoup sur les fréquences basses et plus atmosphériques, où PdH laisse le black métal de côté. En effet, les cordes sont très graves et accompagnent un rythme très lent, pachydermique et terrassant, tel la marche sombre et majestueuse de massifs colosses de glace. Cet avancée est doublée de quelques notes acoustiques, légères mais toutefois épiques, empathiques et angoissantes. Le clavier est terrifiant, ajoutant avec perfection puissance et grandeur à la musique. Les vocaux sont inaudibles, amples et étendus, parfois dérangeants. Les guitares échappent parfois des mélodies plus nostalgiques et emplis d'une simple tristesse, mélancolique et morose à souhaits. La basse est très lourde, jouant un grand rôle dans l'immensité et la force du climat créé. L'image de l'immortalité sacrée d'arbres souverains de la nature et parfaitement évoquée, donnant à la musique cette unicité et cette force extraordinaire, épique à l'extrême. La qualité sonore est plutôt mauvaise, ce qui ajoute à l'étrangeté d'une musique assez terrifiante et pétrifiante de grandeur, ébranlant les abîmes de l'immensité... Un sample original apparaît vers la fin du titre, étrange, régulier et de sonorité aiguë, ajoutant à l'obscurité et à l'énigme de ces vocaux si mystiques et spéciaux...
"Der Baum" est un titre de près d'une demi-heure, purement ambiant, à l'instar du suivant. Une ample nappe de clavier très noire envahit l'atmosphère de terreur et d'inquiétude. Une pulsation régulière à mid-tempo ajoute à l'épouvante du morceau, distillant un véritable climat de frayeur, dont les quelques paroles (toujours inaudibles) viles et mystiques de Wintherr font évidemment partie. Quelques minutes plus tard, l'ambiance angoissée se dissipe peu à peu et laisse place à un clavier très évasif et transcendantal, sonnant assez "doom", ample et abstrait, laissant l'imagination surplomber des des dimensions inconnues infinies. Le morceau alterne des passages plus solennels, poignants et apeurant, avec d'autres plus avant-avant-gardiste, laissant la beauté d'un vent glacial emplir l'atmosphère... mais là n'est point l'intérêt du morceau : il s'agit de se laisser aller à la musique, divaguer autour de la puissance majestueuse et hostile des sombres auras de Paysage d'Hiver. Quelle beauté... jamais l'ambiant était arrivé à un tel niveau de fascination... La fin du morceau change de sonorités : toujours très lentes et planantes, les nappes de clavier se font plus tourmentées, éprises d'une tristesse magique et fascinante. Le titre se conclut sur de somptueux vocaux féminins, ensorcelés et captivants, solitaires et majestueux, note finale et splendide du chez d'oeuvre qu'est cette merveilleuse troisième piste...
"Deja-vu", on en arrive déjà à la dernière piste de l'album, se déclinant toutefois des précédentes avec une ambiance plus douce, posée et agréable. Un vent froid et vertigineux souffle et se perpétue calmement pendant six minutes, et l'auditeur tombe définitivement dans l'espace glaçant et chaotique qu'est la musique de Paysage d'Hiver. D'étranges chants clairs sonnant assez "old-movies" font ensuite apparition, clairs et simples, calmes et apaisants. Les voix sont sereines et emplies d'une étonnante quiétude, enrichissant les ambiances de la musique et célébrant sans doute la beauté d'une nature féconde. Les guitares font alors leur entrée, assez lointaines et de qualité toujours aussi sale, produisant des mélodies très placides, anodines et limpides, s'accordant avec les chants les précédents. Le vent se remet alors à s'éprendre rendant l'atmosphère plus neutre et singulière, presque banale. Le son est vraiment très bas, grave dans l'ensemble, assez confus et brouillon, mais donnant en partie plus de force et de largeur à la musique, ample de ressentiments divers, toujours en rapport certain avec la puissance de la face cachée et sacrée de la nature. Toujours cet admirable vent... et le titre s'achève, laissant l'auditeur coi dans le brusque retour à la réalité.
PdH est un véritable voyage à travers de froides et sombres contrés, une rare puissance de fascination atteinte dans le black métal ambiant. Les morceaux sont très riches, variés dans les ambiances et très envoûtants, alternant les ambiances diverses, hypnotiques et évasives. Les instruments gardent en outre leur froideur et leur phénoménale puissance épique et dévastatrice, stupéfiant l'auditeur parmi les immensités saintes d'une nature de glace vénérée imagées et recréées par cet ample ensemble d'instruments sale et mélodique à la fois. Une expérience dont on en revient pas indemne, une véritable perle, rare mais un des meilleurs et indispensable de PdH et de black metal atmosphérique.