Réalisateur: Paul Verhoeven.
(D’après le livre de Robert A. Heinlein)
Genre: science-fiction satyrique.
Avec: Casper Van, Dina Meyer, Denise Richards, Michael Ironside.
Année: 1997.
Producteur: Davison, Marshall.
Distributeur: Gaumont Buena Vista International (GBVI).
Pays: USA.
Durée: 129 minutes.
Synopsis: au 24ème siècle, la Terre n’a plus de frontière et est régie d’une main solide par la Fédération, prônant le patriotisme et le don de soi. Mais une race extra-terrestre d’arachnides vient troubler ce calme et la guerre est déclarée. Une poignée de jeunes tout juste sortis de l’école, partent en mission dans l’espace et vont voir se confronter leurs idéaux à la réalité.
Etoiles, garde-à-vous!
Starship Troopers a été inspiré du roman de Robert A. Heinlein paru en 1959, intitulé Etoiles, garde-à-vous! Cela dit Paul Verhoeven a pris de larges libertés au remaniement du scénario.
Verhoeven, réalisateur hollandais rapidement émigré aux Etats-Unis, est semble-t-il un spécialiste du film violent au grand spectacle; mais derrière ces blockbusters que sont Total Recall, Robocop, le miroir d’une critique acerbe et directe de la société américaine et ses dérives, notamment le capitalisme, l’industrie du plaisir, les enjeux financiers qui passent devant l’être humain, le culte du militarisme, …
Il est également l’auteur du sulfureux Basic Instinct, avec l’inoubliable Sharon Stone qui crève l’écran (et les braguettes), de Hollow Man, une remise à jour du mythe de l’homme invisible, avec un Kevin Bacon comme toujours impeccable et un tantinet névrosé, mais aussi du moins réussi Showgirls, plongée dans le monde impitoyable et élitiste du cabaret.
Ses propos seront souvent mal interprétés par la critique et une partie de la société américaine qui le taxent de fasciste. Le cinéaste s’en défend et continue de faire des films subversifs et controversés.
Une fois tous ces succès indéniables au box office digérés, il estime qu’il a achevé sa carrière américaine et rentre donc tout naturellement chez lui, aux Pays Bas, pour tourner son premier film hollandais depuis 30 ans. Black Book sort en 2005, et assure un net succès, dans et hors des frontières du pays aux 1000 moulins. Il s’agit d’une nouvelle vision de la vie sous l’occupation Allemande, servie par de somptueuses reconstitutions et des acteurs poignants, avec en tête l’officier nazi et bien sur la sublime et éblouissante Carice Van Houten. Ce film particulier nous montre un autre Verhoeven, bien plus tourné sur l’être humain, simple et tragique.
Le sarcasme à son apogée.
Starship Troopers, tout comme la plupart des films de Verhoeven, est reconnaissable par sa tendance sarcastique. Le propos politique et éthique va très loin, mais Verhoeven a l’intelligence (et le talent) de le faire passer inaperçu derrière un spectacle ambitieux et en respectant scrupuleusement tous les codes du film divertissant voire « naïf » pour la masse.
En effet, sous ses airs de blockbuster futuriste lambda, avec des gentils, des méchants et une histoire d’amour au milieu avec des personnages auxquels chaque jeune américain pourra s’identifier, vit un message engagé et une virulente critique sociale.
Critique envers la politique militariste et coloniale des Etats-Unis, critique envers ce côté « bienpensant » et sur de soi, critique impitoyable envers les médias et surtout, le plus flagrant à mes yeux, les médias en tant de guerre. En effet, le film est tourné et monté tel un film de propagande comme on en voyait lors du conflit mondial de 1939-1945, et ce par chaque nation. Ce procédé est tellement connoté, appuyé par un style outrancier dans les images et les mises en scène, qu’il en ressort un sentiment dérangeant, comme une mauvaise farce; et de nous rappeler au passage que les erreurs de passé peuvent se reproduire mais sous d’autres formes, plus…éthiquement correctes. Et je crois que c’est bien là le message le plus important du film.
En effet, qui douterait un seul instant de la finalité nocive de la Fédération?
Cette toute-puissante fratrie qui n’est pas sans rappeler la mère-patrie germanique et son oppressante présence, constitue un tout, géographique, social.
Une sorte de dictature bienfaisante, qui impose ses codes et ses aberrations, lesquelles semblent assimilées et subies de bon cœur. Par exemple, la scène de la douche, où outre se rincer l’œil, on apprend pourquoi les jeunes gens, biens sous tout rapport, se sont engagés. Une des filles (car dans les douches les hommes et femmes se côtoient, preuve d’une égalité entre les sexes et des us décomplexés) confie avec le sourire son rêve d’être mère; or, pour avoir le droit d’être enceinte, il faut être reconnu comme citoyen par la Fédération. Et la condition sine qua none pour être citoyen est de servir dans l’armée! Il en est de même pour avoir le droit de voter.
Pour illustrer définitivement l’insidieuse omniprésence de la Fédération, nous suivons également le charismatique monsieur Ratchek, (qui incarne aussi l’ombre communiste) joué par Michael Ironside (Surveillance, The Machinist, Total Recall, Top Gun, Scanners…). Enseignant au début du film, il inculque les valeurs patriotiques et l’abnégation à des jeunes gens impliqués et disciplinés, puis on le retrouve par la suite en officier, respecté et admiré de tous ses soldats, ici encore en égale proportion sexuelle.
Ce zèle patriotique, servi par une naïveté violente et bon enfant, confère un côté un peu comique au film, mais également inquiétant. Les personnages sont quant à eux hauts en couleur (tous issus d’une classe sociale aisée), et semblent tout droit sortis d’une série naïve et commerciale comme on en voit tant, Melrose Place, Beverly Hills et leurs personnages ultra-stéréotypés, presque des mannequins…
Le joyau du casting est Casper Van Dien, qui jouit d’un physique de dandy sympathique unique; le gendre idéal en quelque sorte. Tant est si bien que sa carrière cinématographique n’est pas vraiment éclatante, et on le retrouve sans surprise dans toutes les séries comme Sauvés par le Gong, Beverly Hills, mais aussi dans les sequels Starship Troopers 2 et 3. Toujours est-il que personne d’autre que lui pouvait endosser le rôle de Johnny Rico, le héro du film, le stéréotype du footballeur américain, plus à l’aise dans les activités physiques qu’intellectuelles, gentiment rebelle, en quête de sa propre identité.
Tout le film est entrecoupé de séquence façon « flash de dernière minute », reprenant encore une fois le principe des films de propagande, montrant une nation forte et courageuse, au message toujours positif et ultra-optimiste. C’est la façon de Verhoeven de dénoncer la sur médiatisation de plus en plus poussée, spécialement lors des conflits armés. Cette idée est rejointe par une habile manipulation consistant à sortir de la scène de reportage sur Klendatu et de voir le journaliste qui filmait le combat contre les arachnides se faire déchiqueter. En effet le malheureux caméraman était aux premières lignes, bien trop près des affrontements, tellement prêt qu’il se retrouve seul face à l’ennemi.
La progression des jeunes héros permet de constater une société du futur rigide (leur destin semble tout tracé) et à la politique militariste belliqueuse. En effet lorsque la guerre est déclarée c’est la liesse, et la catastrophe du météorite sur Buenos Aires semble être un élément déclencheur, comme l’on pu être Pearl Harbor pour l’engagement des Etats Unis contre le Japon, et comme beaucoup de conflits américains.
C’est une société à la technologie futuriste mais visiblement basée sur des valeurs anciennes, par exemple la fratrie des aspirants, la punition de Rico, fouetté et humilié publiquement, qui renvoie à une image médiévale. On remarque également que la compétitivité est un des points d’orgue du film, comme l’illustre les résultats scolaires qui sont affichés publiquement, ou l’éternelle guéguerre entre les corps armés, infanterie, armée de l’air…
Il est également frappant de constater l’arrogance des jeunes soldats, et l’infériorité qu’ils prêtent à la race ennemi. Ne serait-ce que la continuité du complexe de supériorité du peuple sans histoire? Toujours est-il que ce « travers » est mis à l’avant de façon cruelle, notamment lors de la scène sur l’effort de guerre où des enfants piétinent une poignée de cafards sous les bravos de leur mère hystérique, mais également à la fin lorsque le cerveau des arachnides est capturé, lequel sert des expériences dites scientifiques mais visiblement cruelles et horribles, sous les regards impassibles des chercheurs.
En un mot comme en cent: Starship Troopers est un régal pour les yeux (tout spécialement les amateurs de Warhammer 40.000!) et pour le cerveau. Un des rares film qui se déguste au premier comme au dernier degré, mais c’est visiblement ce qu’aime faire Paul Verhoeven, des blockbusters d’intello! (Et ce que n’a pas su faire James Cameron avec Avatar, qui reste un bijou visuel, rien d’autre; par contre le film qui s‘approche de cet esprit est le chef d‘œuvre produit par Jackson: District9, mais ça c‘est un autre débat…)
A voir, car malgré les années et les progrès technologiques réalisés depuis, il n’a pas pris une ride! (A l’époque on l’appelait d’ailleurs le film au 1000 effets spéciaux.)