Cinéma - Calvaire

Cinéma - Calvaire


Réalisateur: Fabrice du Welz.
Genre: horreur rurale et taboue.
Année: 2004.
Distribué par Mars Distribution.
Pays: Belgique.
Durée: 1h 30.
Interdit aux moins de 16 ans.

Synopsis:

Marc Stevens est un chanteur itinérant. A l'hospice, le concert est terminé. Celui-ci reprend la route, mais il tombe en panne au milieu de nulle part. M. Bartel, un aubergiste psychologiquement fragile depuis que son épouse Gloria l'a quitté, le recueille. C'est alors que commence le cauchemar de Marc : M. Bartel voit en lui l'incarnation de son ex-femme et tout le village est persuadé que celle-ci est rentrée au pays.


Mœurs d’antan.

Calvaire, c’est la plongée immédiate vers des destins minables, des personnages pathétiques et sincères, comme on en côtoie tellement. Cette volonté de ne rien embellir et de raconter une histoire tout à fait plausible; Calvaire c’est aussi l’irrémédiable descente aux enfers (ô combien jouissive) de cet homme très moyen, dans cet environnement qu’on croirait intemporel, coupé du monde extérieur depuis bien trop longtemps. En effet, dans ce village en pleine campagne franco-belge, la lumière de la civilisation peine à briller, et dès lors les hommes tendent les bras vers une barbarie primitive et malsaine. En effet, dans ce village reculé et maudit, la lumière doucereuse de la Femme a déserté, et dès lors les Hommes, livrés à leur névroses et leurs sexes n’ont plus aucune limite dictée par la culture occidentale. Tout au long du film et de manière progressive, le spectateur découvre des détails placés ci et là de façon géniale, lui faisant comprendre qu’ici, la folie a depuis longtemps élu domicile, tout en se disant: « Marc, t’es dans la merde ». Des paysans ternes et inquiétants jamais sans leur fusil (qui ont un petit quelque chose des villageois corrompus de Imboca, dans le Dagon de Lovecraft!), viol homosexuel suggéré, transformisme forcé, des veaux ou même des sangliers en guise de chien de compagnie (ou même en guise de partenaire sexuel!), une psychologie de groupe digne d’un hôpital psy… En atteste la scène cultissime du bar du village, où Bartel, cet homme brisé et convaincu, crie à la sinistre assemblée que désormais, il va être heureux, fusil au point. C’est grandiose de cynisme, presque parodique de notre société. S’ensuit un des passages phares, j’ai nommé « la danse des manchots ». Une immersion totale dans la folie, avec des acteurs fabuleux. Fabrice du Welz impose sa vision de la guerre des sexes. Là où il n’y a aucune présence de femme, il y a des armes de chasse (l’arme, quelle qu’elle soit étant le prolongement du sexe masculin dans toute son horreur destructrice). Mais c’est aussi et surtout autour du vide créé par une femme que tourne toute cette tragédie poisseuse, à tel point que l’on se demande si cette femme a réellement existé, auquel cas on lui prêterai volontiers quelques pouvoirs surnaturels.


Le staff.

Du Welz s’était déjà illustré en réalisant un court-métrage intitulé « Quand on est amoureux c’est merveilleux » (récompensé et primé), une ode terrible à la nécrophilie et aux laissés pour compte, aux déviances mentales que peut engendrer le manque d’amour; mais aussi une leçon de cinéma, où rien n’est laissé aux hasard, et porté par de superbes comédiens, dont Laure St Clair (la star de notre adolescence!!) et Jackie Berroyer, figure du cinéma français (le Péril Jeune, Enfermé Dehors, Président, la Journée de la Jupe et j’en passe), tout à fait surprenant, dans le court-métrage comme dans le long, tour à tour humain, émouvant, inquiétant… L’autre grand numéro du film est Laurent Lucas (Haut les Cœurs, Rire et Châtiment, Lemming, Contre-enquête…), jouant avec une justesse parfaite, le duo fait des merveilles. A noter un petit rôle de Brigitte Lahaie (la star de notre enfance!)


La course à l’identité visuelle.

« Premier film, premier chef d’œuvre » écrivait Mad Movies au sujet de Calvaire. Force est de reconnaitre que notre réalisateur belge connait son métier et accorde un importance toute particulière aux ambiances propres à chaque lieu. Ainsi j’ai pu remarquer quelques similitudes avec ce grand réalisateur français qu’est Jean Pierre Jeunet, j’entends par là cette lumière particulière qui baigne chaque scène, comme un champ sémantique de couleurs (que l’on retrouve sur Vinyan). Je ne peux m’empêcher d’insister sur une des dernières scènes, quand les bourrins de villageois attaquent littéralement la maison de Bartel où est retenu Stevens. Il s’agit d’un top-shot (la scène est filmée par-dessus, donc à l’aide d’un bras mécanique. La scène a été tourné en studio dans une réplique de la triste maison de Bartel, sans toit.), ce qui permet d’apprécier pleinement l’évolution des nombreux personnages (plus le sanglier). Il s’agit d’un plan-séquence, c’est-à-dire que la caméra tourne sans s’arrêter, qu’à aucun moment le travail des monteurs ne pourra cacher tel ou tel défaut, donc tout doit être parfaitement chorégraphier, tout en laissant une marge d’imprévu qui donneront à la scène l’impression de véracité. Tout à fait impressionnant.


Le cinéma français et belge est remarquable de diversité, et l’horreur n’est pas en reste (Frontière, Martyr…). Ce film est un bijou est unanimement reconnu comme tel. Du Welz a su s’imposer en un court et un long-métrage; en 2008 sort Vinyan, son deuxième long, qui rencontre un succès mérité, avec une Emmanuelle Béart époustouflante, et travaille actuellement sur son troisième: l’Ile aux Trente Cercueils. Le chemin est long, mais Fabrice Du Welz est sur la bonne voie pour devenir un incontournable.


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Article rédigé par Crapule