Littérature - "Villa Vortex" de Maurice G. Dantec

Littérature - "Villa Vortex" de Maurice G. Dantec
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« Maintenant je suis en mode cyborg de combat amplification de lumière par connexion directe avec mon système nerveux central. Méthédrine Starship. Artifices de la neurochimie en sautoir, le monde est d’une pureté inhumaine […]
Je sais que quelque chose veut prendre forme en moi, et je peine encore à l’écrire. Je sais que les plages du D-Day renvoient directement à la haute colonne atomique qui par deux fois s’est élevée au-dessus de la planète des singes doués de paroles. Je devine que ma vie semble comme au milieu de son évolution, je pressens que quelque chose m’indique le point de destruction initial qui me permettra de mieux voir le monde. »
Après les deux premiers tomes du « Théâtre des Opérations », essais métaphysiques tenant aussi bien du journal intime que de l‘essai religieux ou géopolitique, Maurice Dantec, certainement le plus illustre écrivain rebelle francophile de notre époque semble se réconcilier avec ses premiers amours, la science fiction, ou plus précisément l’univers cyber punk, délaissé depuis « Babylon Babies ». Cet opus constitue le premier tome d’une trilogie intitulée « Liber Mundi », au ton bien plus mystique et prophétique qu’auparavant, avant le 11 septembre 2001, qui est selon l’auteur, « le dernier jour du monde tel que nous l’avons connu ».

L’inspecteur Kernal, du SD de Créteil, débute sa narration par sa propre fin, par la fin du monde, sa déconstruction en commencement, pour ensuite revenir dix années auparavant, sur ses débuts dans le service de police. Débuts fastidieux, puisqu’il s’agit de la découverte d’un corps d’enfant dans une zone industrielle, le début d’une série de meurtres, évidemment l’œuvre d’un serial killer. Une entrée en matière très classique, c’est du moins l’impression que confèrent les premières pages de l’œuvre… En effet, ayant lu les œuvres antérieures, on s’attendait à retrouver un Dantec écrivant un cyber polar punk, énergique, intelligent, et… lisible ??? 

Soyons francs, Dantec délire purement et simplement, la construction de l’œuvre est carrément anarchique, on passe du coq à l’âne d’une page à l’autre, sans la moindre transition, à croire (et même si cela le rendra fou furieux si jamais il vient à lire ceci) qu’il a un peu trop abusé des buvards et autres douceurs… La narration à la première personne de Kernal passe instantanément des éléments de l’affaire en cours à un essai sur la Kabbale Juive, ou encore à un traité scientifique sur l’ADN d’un point de vue mystique qu’il m’aura fallu relire à quatre reprises pour en comprendre les grandes lignes… Ajoutez à cela un trafic d’armes albanaises, le conflit des Balkans, la mafia corse, les terroristes islamiques, la police politique algérienne et divers digressions aussi bien sur tes thèmes théologique que métaphysiques sous coke pure non coupée ! 

Mais personnellement, j’ai pris un très grand plaisir de drogué à lire cette œuvre avant-gardiste… Son côté prophétique a eu le mérite de me donner la chair de poule, son univers post-industriel et pré apocalyptique m’a totalement sidéré au-delà des digressions délirantes sur des thèmes vraiment trop pointus pour le lecteur de base. L’impression de malsaine fut pour moi la même que son dernier volume purement métaphysique, « American Black Box », d’abord une béatitude crétine, un sentiment de se sentir ignare et totalement abruti, puis lorsque l’on en comprend (très partiellement, hein) l’essence, le mysticisme et les grandes lignes, un profond sentiment de malaise vient s’emparer de vous.

Lire Dantec et l’apprécier n’est pas indivisible de le comprendre en tout points, car peu sont à même de le comprendre parfaitement, mais le personnage séduit en tant que chef de file d’un nouveau mouvement rebelle du langage, du genre, de la littérature en général, et pour cela, je me dois de le saluer.
Stryg.