"Guinea Pig"
Guinea Pig I : Devil Experiment - 1988 réalisé par Hideshi Hino
Guinea Pig II : The Flowers Of Flesh And Blood - 1990 réalisé par Hideshi Hino
Guinea Pig III : He never Dies - 1991 réalisé par Masayuki Kuzumi
Guinea Pig IV : Mermaid In The Manhole - 1992 réalisé par Hideshi Hino
Guinea Pig V : Androïd of Notre Dame - 1992 réalisé par Hideshi Hino
Guinea Pig VI : Devil Woman Doctor - 1992 réalisé par Hajime Tabe
Les japonais et le cinéma... Donc...les japonais et les films originaux dit-on, mais aussi les japonais et les films déviants diraient les fins connaisseurs... Et oui, long et sinueux, chaotique, mais toujours d'avant-garde, déroutant et passionnant, fut l'évolution du cinéma nippon d'horreur ou fantastique depuis l'explosion du genre en 1954, date à laquelle apparaissait sur les écrans "Godzilla" d'Ishirô Honda, dans lequel le message était fort sur les conséquences à long terme de l'arme atomique, sujet très vivace chez les japonais. "Tetsuo" de Shinya Tsukamoto, ou encore "Ichi The Killer" de Takeshi Miike, les films les plus extrêmes de l'archipel furent souvent les plus connus, ou encore pour une certaine partie, atteignirent le rang de chef d'oeuvres ou du moins, de films cultes.
Mais la série des "Guinea Pig" inspiré par le manga d'Hideshi Hino (qui réalisa les trois premiers opus de la série, appuyé par l'aide de Satoru Ogura), se révèle être un véritable ovni, du moins pour son époque ; résolument choquants, dégueulasses, vomitifs, les mots ne manquent pas... Le dégoût est total, mais en matière d'extrémisme, d'autres films nippons apportaient leur lot de violence (déjà, "L'Empire des sens" de Nagisa Oshima se révélait bien "hard" avec sa castration très réaliste en gros plan à la fin du film), par contre, à la différence des films précédemment cités, la question reste entière pour certains cinéphiles ayant visionné l'objet : Quel est le sens de ces films de tarés ? Aucun, juste une volonté de paraître choquant diront certains. Nous révéler notre côté voyeur, celui qui prend du plaisir à contempler la souffrance affirmeront d'autres. Mais le sujet reste débattu par certains cinéphiles.
Cette série de courts films a d'ailleurs été jugée comme si choquante qu'une bonne partie des pays de la planète ont, dans le meilleur de cas interdit les films aux mineurs, ou les ont interdit comme aux Etats-Unis, suite à une plainte du guignol de service Charlie Sheen, qui, étant persuadé que "Devil Experiment", le premier opus, était un authentique snuff movie, alla foutre un merdier sans nom dans les bureaux du FBI qui fit interdire comme vous le savez, le visionnage et l'importation de ces films sur son territoire.
En 2006, un coffret de six dvd sortait en France avec en bonus un disque additionnel contenant des making-off, le manga original de la série, des interviews des responsables des effets spéciaux du film (qualité principale des "Guinea Pig")
Guinea Pig I : Devil Experiment (1988) réalisé par Hideshi Hino
Le premier opus de la série débarque en 1988, réalisé par l'auteur du manga du même nom, Hideshi Hino. Aucun générique, des dialogues pour le moins inexistants, une air solitaire façon bontempi plaintive et kitch, et une mise en scène particulièrement primitive et aléatoire, il n'y a donc pas lieu de s'étonner que le film fut pris pour un authentique snuff movie (n'est-ce pas, môsieur Sheen ?), seule une brève note au début de l'épisode renseigne le spectateur sur ce qui l'attend : un documentaire sur la souffrance et la corrosion des sens. Et de là la naissance du débat entre les fans et les détracteurs de la série japonaise. Quel est le sens de ce film ? Simple volonté de choquer ou démontrer qu'en chaque être humain se révèle un sentiment de plaisir à contempler la souffrance des autres ? Les arguments soulevés par les deux camps peuvent se montrer aussi convaincants les uns que les autres mais d'un point de vue personnel, le film dénote du rare professionnalisme des effets spéciaux, en désaccord avec d'autres films primaires de tortures aux effets spéciaux très amateurs, et aux ambiances grand guignol. L'arrachage d'ongle, les brûlures à l'eau bouillante tout comme le "jeu des acteurs", aléatoires, pour ne pas dire improvisés, appuyé par une caméra filmant à vif, sans plan fixe apporte énormément à l'ambiance du film, mais surtout donne certainement la crédibilité principale du film.
Le film se révèle être surtout choquant, non pas par son côté gore (qui est d'ailleurs assez soft) mais plutôt par sa cruauté extrême ; En effet, si bien des films ont battit leur scénario autour d'une jeune femme enlevée par des déséquilibrés, encore aucun à ma connaissance ne s'était autant intéressé intégralement aux sévisses endurés par la victime ; l'entracte est plutôt calme, quelques gifles, des coups et la cruauté va crescendo en proportion des souffrances de la victime, c'est là d'ailleurs la principale finesse du film (!), la peau pincée par une tenaille, la jeune femme malmenée sur une chaise tournante, finissant par vomir, ou encore un casque scotché sur le crâne, harsh noise à plein volume (certains de mes lecteurs vont jubiler), jusqu'à évanouissement... Puis les choses vraiment sérieuses commencent : arrachage d'ongle à la tenaille (et en gros plan s'il vous plaît), brûlures à l'eau bouillante, jets d'asticots sur les blessures ouvertes jusqu'à crevaison de l'oeil (scène hyper malsaine, dérangeante et extrêmement réaliste) et voilà, c'était le premier épisode des "Guinea Pig", ni plus, ni moins... aucune finesse scénaristique ou de messages sous-entendus, nada, seulement la longue et vicieuse torture d'une jeune japonaise par trois allumés... à vous de voir si vous y avez pris du plaisir.
Guinea Pig II : The Flowers Of Flesh And Blood (1990), réalisé par Hideshi Hino
Quand un film fait beaucoup de bruit, il faut bien s'attendre à une suite, et aucune surprise, on ne change pas une équipe qui gagne. Toujours réalisé par Hideshi Hino, toujours aussi cru et malsain, baffouant encore les règles de la décence, le réalisateur a toutefois mis de l'eau dans son vin, le message est sous-entendu : il ne s'agit plus de faire croire à un snuff movie, mais l'atmosphère tente de s'en rapprocher au maximum ; Comme toujours, l'histoire est simple : un homme et son complice (qui filme le crime) enlèvent une jeune femme dans une ruelle de Tokyo en pleine nuit, vous connaissez la suite ; Elle sera longuement torturée puis tuée sans autre forme de procès.
Pourtant, "The Flower Of Flesh And Blood" n'est pas une copie conforme de son prédécesseur, de nombreuses différences, mais pour la plupart infimes, existent entre les deux épisodes ; Cette fois-ci, une forme primitive de scénario, ou plutôt une excuse, sert de prétexte au meurtre, un semi documentaire sur un tueur en série, habillé à l'antique mode des samouraïs, sévit en assassinant de jeunes femmes pour son "Art", à savoir des bizarreries esthétiques à bases de bras, jambes, chairs en décomposition : il s'agit là de l'adaptation la plus fidèle au manga originale qui inspira les films de par son esthétisme pour le moins original, associant un éclairage, un filtre de couleur par torture... Egalement, le côté amateur et par conséquent "snuff" du film s'efface partiellement pour donner libre cours à un concours d'effets spéciaux gorissimes, amputation des membres à la scie, décapitation à la hache, tranchage des tendons au cutter, etc. Volonté de choquer ? oui, toujours... mais l'intérêt du film, encore sans réel message fort, est de montrer au spectateur un certain esthétisme gore, un débit impressionnant de scènes de torture très réussies (pensez aux scènes de films italiens, lents et cruels), une parfaite compilation du gore extrême pour faire court, et non, une cruauté gratuite, comme avec "Devil Experiment"
Scènes absolument époustouflantes : la main qui se referme sur la main du tueur après avoir été amputée. Lors du désossage, des bruits, bien qu'exagérés, donnent un réalisme total. Mais aussi, chose typiquement japonaise, la victime censée être nue lors des tortures, voit toujours ses parties sensibles cachées par ses propres viscères... Ah les japonais et leur pudicité...
Guinea Pig III : He never Dies (1991) réalisé par Hideshi Hino
Coupure définitive avec les autres épisodes de la série, "He Never Dies" se rapproche plus d'une production Troma que du faux snuff movie malsain et gerbant. Et pour tout dire, ce n'est plus vraiment un film gore, mais vraiment une comédie teinté de gore. Les effets spéciaux sont très réalistes, ça reste du hardgore sauce Guinea Pig, mais on ne tourne plus de l'oeil, on se marre, comme devant un "Braindead" ou encore "Bad Taste" du célèbre Peter Jackson. Et grande première pour un Guinea cette fois-ci signée Masayuki Kuzumi, il y a un scénario ! Enfin ! Mais attention, ça vole pas du niveau de notre "Dîner de Cons" national non plus ! Un employé comme il en existe des millions d'autres au Japon décide, après avoir accumulé des ennuis professionnels et sentimentaux, de se donner la mort mais évènement inattendu et fantastique (également une première dans la série des "Guinea Pig"), il ne peut pas mourir. Après quelques automutilations appuyées par un humour qui n'est pas sans rappeler la firme Troma, il décide de se venger de son collègue de bureau (qui a réussi à se farcir la fille de ses rêves en passant, la séduisante actrice Eve)
Une comédie bien fandart avec son lot de scènes gores, rien de plus, mais toujours aussi réalistes, la scène du crayon traversant la main est vraiment excellente, sans parler de l'éventrement au couteau de combat que s'inflige le protagoniste afin de foutre les glandes à son Roméo de collègue. Une gentille comédie gore à la Troma donc, rien de plus. Mais une question traversera évidemment chacun des spectateur après avoir visionné ce film : pourquoi un changement aussi radical dans la façon de concevoir "Guinea Pig" ? Réaction naturelle du production de la série, Satoru Ogura, après que des meurtres pédophiles aient été commis au Japon en s'inspirant de "The Flower Of Flesh And Blood", de tenter de faire passer la pilule, dire qu'après tout "Guinea Pig" n'est qu'un film, et non un danger pour la société.
Guinea Pig IV : Mermaid In The Manhole (1992) réalisé par Hideshi Hino
Presque un retour aux sources puisque l'on retrouve à nouveau Hideshi Hino derrière la caméra. Mais aussi parce que l'aspect cracra, malsain et dégueu du film revient en grandes pompes (et aussi certainement parce que l'histoire des "vrais" meurtres a due être quelque peu oubliée) et cette fois-ci, un scénario assez intéressant a été écrit. Ce n'est plus un film sur la torture mais plutôt une fiction horrifique et fantastique, toujours sur la souffrance et l'agonie cependant ; Un peintre torturé en mal d'inspiration trouve dans les égouts une jeune sirène à l'agonie. Une fois cette dernière ramenée au domicile de l'artiste, une étrange relation faite d'amour mais aussi paradoxalement de grande froideur, d'ignorance presque face à la douleur de la part du peintre. La blessure à l'estomac de la sirène dégénère rapidement en véritable infection pourrissant l'ensemble de son corps et de son visage pour réduire cette charmante femme à l'état de masse informe de chair pourrie et attention, il faut avoir l'estomac accroché. Au cours de cette relation étrange, le peintre, effrayé mais également fasciné par la décomposition de la sirène, décide de la peindre.
Mais ce qui est intéressant de noter chez ce quatrième épisode est, outre l'esthétisme du gore et de la souffrance, l'apparition de nombreux dualismes qui font tout le charme et confèrent un certain intérêt sans parler d'une âme assez japonaise qui apparaît : la relation amoureuse mais froide, sans contacts physiques, entre fascination et répulsion, l'Art et le grotesque, et par conséquent la naissance de l'Art et la mort de l'Être, pour en arriver à la conclusion que l'Art se marrie si bien à la mort.
Guinea Pig V : Androïd of Notre Dame (1992) réalisé par Hideshi Hino
Toujours et encore sous la direction d'Hideshi Hino, voici certainement l'épisode le moins populaire des "Guinea Pig" et pour cause : le gore est quasiment absent, et le malsain est très édulcoré. Ni un film gore comme les premiers opus, encore moins une comédie comme "He Never Dies", "Androïd of Notre Dame" se rapproche plus de ce que sera le gros cinéma de science fiction japonais quelques années plus tard : le thriller horrifique.
Moins gore, moins malsain, sans réel désir de réalisme, plus "passe-partout" pour faire court, cet opus a du en décevoir plus d'un à sa sortie, mais il serait intelligent d'avouer que ce film bénéficie au moins d'un scénario largement plus travaillé que ses prédécesseurs, car, bon ou mauvais selon le jugement du spectateur, il a au moins le mérite de comporter des intrigues, des rebondissements et une chute inattendue. Pour faire court, un scientifique, désireux de soigner sa *très ravissante* soeur d'une mort certaine, décider d'outrepasser l'éthique afin de faire des recherches médicales personnelles (sur cobayes humains) afin de trouver une solution à son problème. Mais problème : le dirigeant d'une grande firme associée au milieu scientifique, désirant employer pour sa compagnie notre protagoniste, le tient par le chantage... comment le problème sera-t-il résolu ? Dans le sang et les tripailles évidemment.
Un film de série B (voire Z) correct, sauvé par un scénario qui lui évite le statut de navet à mes yeux.
Guinea Pig VI : Devil Woman Doctor (1992) réalisé par Hajime Tabe
Troisième "Guinea Pig" de l'année 1992, mais aussi dernier de la série, qui, sentant toujours la pression des meurtres perpetrés par un inconditionnel de la série, a préféré jouer la carte de la modération, et a recommencé l'expérience de "He Never Dies" en sortant une comédie d'horreur carrément lourdingue, dans un esprit Troma encore plus confirmé avec à la clé une série de gags poussifs et foireux, acteurs sortis d'on ne sait trop où et des effets spéciaux assez foirés. Présenté sous la forme d'une série de gags, le/la protagoniste, une doctoresse travestie, désire aider des gens dans le besoin, mais pas de bol, ça rate à tous les coups. Leurs maux sont assez étranges et parfois droles : un homme qui transpire du sang, un foie qui attaque sans raison une jeune femme, une famille qui dès qu'elle s'énerve voit sa tête exploser, tels sont les épisodes constituant ce "Devil Woman Doctor" dans un humour très bon enfant mais à force saoulant.
Un épisode déconcertant lorsque l'on voit le chemin traversé depuis "Devil Experiment" et la dose de cruauté gratuite que chaque épisode ou presque dégage. Par contre, un bon divertissement pour qui ne sait plus trop quoi regarder en matière de gore débile et bordélique.
En conclusion, la saga des "Guinea Pig" est à voir pour quiconque se réclame être un fan des films déviants, gores, malsains, et obligatoire quand a fortiori l'on est un adepte du cinéma de genre nippon. Du faux snuff movie à la comédie gore, en passant par la fiction de genre, "Guinea Pig" offre un spectacle décomplexé sur la souffrance et la torture, et quoi que l'on puisse en penser, un visionnage indispensable pour tout fan de film déviant, pour au moins dire qu'on l'a vu... Ce coffret, édité par Bloody One, offre un packaging plus que correct, un dvd bonus pour en apprendre *un peu plus* sur la série, et pour le prix qui est demandé (environ trente-cinq euros), c'est du bon, allez-y !